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  • Posté le 22 mars 2017 / 82 visites

La CGT vote pour le progrès social

A quelques semaines du premier tour de l’élection présidentielle, les questions économiques et sociales ont, enfin, émergé au sein d’une campagne qui aurait pu être dominée par le « tout-sécuritaire ». Une dynamique à laquelle la CGT n’est pas étrangère.

Philippe Martinez, son secrétaire général, en donne les ressorts.

NVO. En 2012, la CGT avait fait un choix lors de l’élection présidentielle. Cinq ans plus tard, quelle est sa position ?

En 2012, on avait fait un choix par défaut. Mais, comme le système politique français est ce qu’il est, certains ont eu tôt fait de confondre « choix par défaut » et « adhésion aveugle ». En 2017, au-delà de la CGT, beaucoup de citoyens – et parmi eux beaucoup de salariés – vont encore être obligés de faire ce choix par défaut. C’est un vrai problème démocratique. Quant à la CGT, son rôle n’est pas d’appeler à voter pour X ou Y, mais de porter les questions du monde du travail, le rôle et l’importance des services publics, au cœur des débats politiques. Je me félicite, par exemple, que la question des 32 heures vienne enfin sur le devant de la scène politique, ou encore que plusieurs candidats portent l’abrogation de la loi « travail ».

Ces questions sociales sont plantées dans le décor, c’est cela l’utilité de la CGT : installer progressivement des débats essentiels au cœur de la campagne présidentielle d’abord, des législatives ensuite. D’ailleurs, les prétendants à la députation seraient bien avisés de prendre la mesure du besoin crucial des citoyens en matière de salaires, de conditions de travail et de maintien des services publics. Dans bon nombre de circonscriptions les écoles ferment, La Poste n’ouvre plus tous les jours, l’hôpital déménage. Ce qui peut sembler lointain depuis l’Assemblée nationale à Paris est la vie quotidienne et difficile de millions de citoyens en province.

Et si, comme le pronostiquent
actuellement les sondages, Marine Le Pen est au second tour…

La CGT n’a pas à prendre position, exception faite d’un parti comme le Front national parce que, là, ce sont nos valeurs qui sont attaquées. Face à la candidate du FN, la CGT a un positionnement clair : le rejet absolu de ses idées racistes et xénophobes. Nous poursuivons donc notre campagne pour les combattre de différentes manières : publication du livre En finir avec les idées fausses propagées par l’extrême droite ; rencontres régionales ; diffusion de fiches sur les propositions économiques du FN à destination des syndiqués et des salariés.

C’est important car, avec un calcul malsain et une habileté certaine, l’extrême droite reprend à son compte des revendications de la CGT. C’est terrible, quand j’entends des salariés me dirent : « Marine Le Pen veut la même chose que vous, la retraite à 60 ans, l’augmentation des salaires… » Sauf que derrière la vitrine sociale du FN, il y a l’arrière-boutique, qui est libérale. L’augmentation des salaires version FN passe par la suppression des cotisations sociales. Ça, ce n’est pas la conception de la CGT pour défendre la Sécurité sociale et les salariés ! Le FN est aussi d’accord pour continuer, voire augmenter, les aides aux entreprises sans contrepartie. Ça, c’est le programme du Medef, pas les propositions syndicales que nous portons.

Quel bilan économique et social faites-vous de ce quinquennat ?

François Hollande avait promis beaucoup de choses durant la campagne. Le célèbre discours du Bourget, « Mon ennemi, c’est la finance… », aurait pu être la ligne de conduite de ce quinquennat, ça n’a pas été le cas. Il a déçu. C’est d’ailleurs pourquoi nombre de citoyens se positionnent contre ceux qui sont au pouvoir, plutôt qu’en adhérant à un projet. Il y a un tel décalage entre le ressenti des citoyens et ce que ce gouvernement fait semblant de considérer comme des réformes positives et que nous considérons, nous, comme des contre-réformes économiques et sociales.

Vous pensez à la loi « travail » ?

Oui, mais pas seulement. Avant, il y a eu la loi Rebsamen, la loi Macron, tout un corpus législatif répressif et régressif pour les salariés… Il ne faut pas oublier que Macron a œuvré quatre ans directement au côté du président de la République et qu’il a porté un certain nombre de réformes qui sont autant d’attaques en règle contre le monde du travail et les garanties collectives. Nul doute que, pour le Medef, le bilan est globalement positif. Pas pour les syndicats qui, durant toute l’année dernière, dans leur grande majorité, ont lutté ensemble dans la rue.

Peut-on détailler les grands dossiers que la CGT entend porter au cœur du débat politique ?

La CGT a contribué à donner une tonalité sociale à une campagne qui aurait pu tourner autour des questions sécuritaires. Premier thème qui commence à prendre de l’importance – et c’est très bien –, le travail. C’est une porte d’entrée essentielle pour les citoyens.

Trop d’hommes politiques confondent travail et emploi. L’emploi, c’est une chose, ça se mesure, ça s’analyse, ce sont des statistiques. Le travail, c’est autre chose. Le travail, ce sont des ouvriers, des employés qui essaient de mettre en œuvre leurs compétences, leurs savoirs, leur qualification et qui se trouvent confrontés partout à des réglementations, des processus qui vont à l’encontre du travail bien fait.

La souffrance que génère le mal-travail coûte 13 000 euros par an et par salarié dans le pays. C’est énorme ! Améliorer le travail permettrait de faire des économies rapides de protection sociale. Deuxième point, il faut sortir de la financiarisation de l’économie. Les camarades qui se sont exprimés lors des assises de l’industrie, le 22 février, ont clairement fait ressortir que, quelle que soit la filière, partout c’est la finance qui commande. Cette façon de concevoir l’économie va à l’encontre d’un développement industriel pérenne, à l’encontre de grands projets de recherche et des besoins en investissement à long terme.

Enfin, et j’en ai déjà rapidement parlé : les 32 heures ou, du moins, la réduction du temps de travail. Il faut se souvenir des réactions quand la CGT a commencé à porter le débat sur les 32 heures, en 2015. Tous ceux qui prétendent faire la pluie et le beau temps dans notre pays, c’est-à-dire un certain nombre de chroniqueurs, d’économistes, de patrons, nous ont ri au nez. Aujourd’hui, ce sujet s’installe doucement dans le débat public.

La position de la CGT concernant la réduction du temps de travail est-elle audible par les salariés ?

De nombreuses enquêtes montrent que les préoccupations premières des salariés sont la faiblesse des salaires et la crainte du chômage. On nous ramène souvent à la question du financement des jours de RTT. Le matraquage médiatique et les experts sont là pour nous dire, chaque jour, qu’il n’y a plus d’argent. La campagne de la CGT sur le coût du capital montre que de l’argent, il y en a. Les dividendes des actionnaires, les paradis fiscaux – entre 60 et 80 milliards d’euros cachés dans des îles, rien que pour la France –, le coût du mal-travail, etc. Rendre audible ces revendications passe par des discussions, des débats, de la confrontation d’idées. On est là pour ça. On passe beaucoup de temps avec les salariés pour leur expliquer qu’il existe des alternatives à ce qu’on leur raconte. Que les services publics, c’est important. Chacun peut mesurer les dégâts occasionnés par leur fermeture. C’est de cela dont il faut discuter, et faire la part des choses entre ce qui est un « coût » et un « investissement ». Le travail et les services publics sont des investissements.

Quels sont les prochains rendez-vous de la CGT durant la période préélectorale ?

Les assises de l’industrie ont été la première initiative de grande ampleur et un réel succès. On a pu réunir plus de 1 300 camarades sur la question de l’industrie, c’est une première ! Les salariés sont par ailleurs toujours dans un processus de mobilisation. Certains croyaient qu’après le passage de la loi « travail », tout allait rentrer dans l’ordre. Or, il y a beaucoup de luttes dans les entreprises contre la loi « travail », à La Poste, dans la santé… Notre prochain grand rendez-vous, c’est le 21 mars avec le « Printemps de l’industrie et des services publics ».

Notre slogan : « Pas d’industrie sans services publics et pas de services publics sans industrie » n’a jamais été aussi palpable et concret pour un certain nombre de citoyens et de salariés. Faire converger nos revendications en matière de reconquête industrielle et de développement des services publics est, pour la CGT, la seule manière de développer l’emploi et des bassins de vie partout sur le territoire. Le 29 mars, sera également organisée une journée de débats, d’échanges et de réflexions intitulée « Un dialogue nécessaire : culture – travail », afin de renouer des liens entre le monde culturel et intellectuel et le monde du travail.