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  • Posté le 31 mai 2024 / 37 visites

Une nouvelle loi pour la Fonction publique : Pour la CGT c’est non

Quelques mois après les annonces à coups de propagande démagogique du gouvernement, Stanislas Guérini, ministre de la transformation et de la Fonction publiques, a lancé le 9 avril une « pseudo-concertation » sur le projet de loi Fonction publique.

Le gouvernement n’a eu de cesse de marteler sa volonté de « davantage récompenser le mérite », les derniers coups médiatiques de Guérini sur « le tabou du licenciement des fonctionnaires » ou sur « la remise en cause des catégories C, B et A » sont inacceptables et en disent long sur leurs intentions !
Ce projet de loi est une nouvelle étape inacceptable pour passer de la « Fonction publique de carrière » à une logique de « Fonction publique de métiers » que nous combattons.

UNE « CONCERTATION » À MARCHE FORCÉE

Guerini maintient un calendrier à marche forcée. Après un cycle de réunions bilatérales, dont la CGT a décliné l’invitation, une multilatérale le 21 mai, une synthèse finale est prévue le 20 juin.
Après quoi le texte sera présenté en conseil des ministres et déposé au Parlement au second semestre. Quelques mois pour traiter de sujets aussi importants pour les personnels et l’avenir de la Fonction publique, c’est purement scandaleux !

UN PROJET DE LOI, POUR QUOI FAIRE ?

Après la loi de 2019 dont la CGT demande toujours l’abrogation, ce nouveau projet de loi poursuit l’ambition d’aller encore plus loin dans la casse du statut général des fonctionnaires. Sans avoir tiré de bilan objectif de la loi de 2019, les constats aujourd’hui présentés s’avèrent orientés, pour ne pas dire tendancieux.
Il s’agirait de répondre aux attentes des employeurs publics ainsi qu’à la consultation menée auprès des agents publics sur leurs conditions de travail. Cette dernière a notamment révélé « une forte aspiration au changement en particulier dans le domaine des relations managériales, un assouplissement des conditions de promotion interne, de titularisation, de mobilités internes » mais les agents ont aussi réaffirmé « un fort attachement au cadre statutaire de la FP ainsi qu’à l’évolution par l’ancienneté ».
Guérini ambitionne :
— D’accroître la qualité du service rendu aux usagers, grâce à une gestion des RH qui responsabilise les managers, favorise l’initiative, valorise l’engagement attendu des agents et permette aux managers de mieux reconnaître le mérite, facilite la mobilité, mette les compétences au cœur du parcours des agents ;
— De renforcer l’attractivité de la FP et fidéliser les agents du service public.

UN MINISTRE QUI OSE SE DIRE ATTACHÉ AU STATUT GÉNÉRAL !

La Macronie n’a eu de cesse avec notamment la loi de 2019 de laminer les principes fondamentaux du statut : « égalité d’accès et de traitement, neutralité et indépendance, responsabilité ».
Pourtant, Guérini tente de rassurer en rappelant les principes de 1946 qui impliquent des droits (notamment l’égal accès aux emplois et la gestion des carrières) et des devoirs (obligations pour répondre à l’intérêt général).
Ce qui, précise-t-il, ne signifie ni « statu quo » ni « absence d’efficacité et de performance au bénéfice des citoyens en termes de qualité et d’efficience du service rendu. ».
Il va même jusqu’à rappeler le principe de la séparation du grade et de l’emploi, fondateur de la Fonction publique de carrière, alors que ce projet de loi va à l’encontre de cela !

LES GRANDS AXES DU PROJET DE LOI

Le ministre a présenté les trois axes de son projet de loi : entrer et bouger plus facilement dans la FP, promouvoir et mieux rémunérer l’engagement pour l’amélioration du service public, mieux valoriser l’acquisition des compétences et la formation continue.

Pour cela, le document remis aux organisations syndicales le 9 avril, partant de constats souvent orientés et ignorant ce qui est déjà possible par le statut, ouvre des pistes de réflexions/ questions.

● Faciliter l’entrée dans la Fonction publique de talents plus diversifiés :
• Pérenniser des concours Talents (expérimentés jusqu’au 31 décembre 2024) ;
• Promouvoir l’apprentissage, en facilitant sa transition vers un emploi pérenne et en prenant mieux en compte l’expérience acquise dans les concours d’entrée.
• Prendre en compte des parcours mixtes privé-public pour l’accès au 3e concours.
• Valoriser des parcours antérieurs par un accès direct à un grade d’avancement autre que le 1er grade en cas d’expérience professionnelle dans des fonctions antérieures de même niveau ;
• Simplifier et harmoniser des concours sur titre entre les trois versants.

● Fluidifier les mobilités, mieux gérer les parcours professionnels :
• Répondre à certains freins à la mobilité :
— Maintenir la rémunération en cas de mobilité (ça existe déjà dans certaines situations).
— Améliorer l’accès au logement (aider les employeurs à développer une offre pour leurs personnels, notamment pour ceux dont l’enjeu de proximité est le plus important et dans les zones tendues) et la disponibilité du parc.
— Revoir le dispositif de la portabilité des CDI et simplifier la procédure de renouvellement de contrat.

● Revoir la promotion interne dans les parcours professionnels :
— Donner plus de marge aux employeurs pour faciliter la promotion interne, en adaptant les quotas de promotion aux situations réelles de recrutement (et non plus en fonction du nombre de recrutements par concours).
— Mettre en œuvre une nouvelle voie de promotion interne pour les fonctionnaires ayant validé une formation certifiante.
• Pérenniser ou pas la rupture conventionnelle individuelle (expérimentation qui s’achèvera fin 2025), la question se posant de revoir ou non les règles actuelles.

● Permettre aux employeurs de mieux gérer l’insuffisance professionnelle :
• Mieux utiliser le licenciement ou autres réponses graduées dès les premières manifestations d’insuffisance ;
• Outiller les employeurs et managers pour mieux prendre en compte l’insuffisance professionnelle dans la carrière (sur l’évaluation professionnelle).

● Remettre en cause la structuration en catégorie A, B et C :
• Mieux corréler les parcours professionnels aux logiques d’acquisition de compétences et de prise de responsabilité propres à chaque grand domaine d’activité ;
• Rechercher les bénéfices d’une gestion des RH centrée d’abord sur l’appartenance à une filière professionnelle, la question se posant d’une éventuelle priorisation des filières/périmètres les plus en tension.

● Mettre l’évaluation professionnelle au cœur du management :
• Mieux partager les objectifs de l’évaluation professionnelle au sein d’un collectif de travail
• Faire de cet outil un support solide permettant de reconnaître de façon objective les parcours méritants comme les situations d’insuffisance.

● Mieux récompenser l’engagement et le mérite par la rémunération :
• Rendre plus lisibles et efficaces les composantes de la rémunération, peu lisible et dont la partie indemnitaire ne prend pas suffisamment en compte l’évolution des postes occupés, les résultats et la valeur professionnelle et simplifier les feuilles de paie ;
• Doter les employeurs publics d’un levier RH supplémentaire en sus des actuels avancements d’échelon basés sur la seule ancienneté (à de rares exceptions près) et rechercher des critères de différenciation des parcours au plan indiciaire ou au sein d’un grade ;
• Refonder les dispositifs d’intéressement pour mieux reconnaître l’engagement collectif des agents.

● Mieux protéger les agents publics :
• Faciliter le dépôt de plainte par l’employeur pour le compte de l’agent ;
• Prévoir la mise en œuvre à titre conservatoire de la protection fonctionnelle pour les ayants droit des agents victimes de violence (comme c’est déjà le cas pour les polices nationale et municipale, l’administration pénitentiaire, les douanes notamment).

Ces orientations ont été rejetées par la CGT. La plupart des syndicats ont rappelé ne pas être demandeurs d’un projet de loi.

Ce qui est évident, ce n’est pas avec de telles mesures que le gouvernement rendra la Fonction publique plus attractive, que les agents retrouveront un sens à leur travail et une juste rémunération, que les missions de service public seront exercées avec des moyens dans l’intérêt général des populations.
La CGT rappelle son attachement au statut général des fonctionnaires et à l’unicité de la Fonction publique.
Pour relever le défi de l’attractivité de la Fonction publique, à l’opposé des choix dévastateurs du gouvernement, la CGT est porteuse de nombreuses propositions pour rénover et renforcer le statut général au service de l’intérêt général, augmenter les salaires, revaloriser la carrière par une refonte des grilles indiciaires et la reconnaissance des qualifications, promouvoir l’égalité professionnelle, améliorer les conditions d’emploi et de santé au travail, revoir la situation des contractuel·les.

article paru dans Fonction Publique n°338 de mai 2024